La balle magique – Existe-t-il une seule preuve indiscutable du psi ?

L’article qui va suivre est une traduction du billet The magic bullet publié sur le blog de Michael Prescott. Les opinions exprimées par l’auteur nous ont semblé intéressantes à discuter.

Il décrit un discours sceptique à multi-facettes qui tente d’avoir réponse à tout quand il s’agit d’analyser une expérience de parapsychologie. Ce modèle sceptique « composite » repose sur une série d’affirmations dont certaines sont largement gratuites, d’autres difficilement vérifiables, même si chacune peut à l’occasion se révéler vraie. Prescott propose une liste non exhaustive de telles affirmations et l’illustre par quelques exemples tirés de discours sceptiques contemporains. Ces affirmations s’entassent, même si elles sont contradictoires entre elles ou doivent postuler des « variables cachées présentement inconnaissables », au point de ne jamais laisser d’issue à la plausibilité de l’hypothèse psi. En somme, l’article de Prescott amène à réfléchir sur la notion de « preuve » en parapsychologie, celle qui passerait par une expérience cruciale ne pouvant être remise en cause, celle qui résisterait à cette série d’arguments étouffants.

Michael Prescott est écrivain. Il était sceptique jusqu’à ce que, après plusieurs années à vérifier les critiques de Randi au sujet des recherches en parapsychologie, il dénonce leur manque de rigueur scientifique. Il anime désormais un blog analysant les débats sur les anomalies en science et critiquant le pseudo-scepticisme. http://michaelprescott.typepad.com.

Dans un fil de commentaires, un lecteur de mon blog demanda qu’on lui fournisse l’exemple d’une seule expérience qui prouverait l’existence du psi de manière concluante, non ambiguë et indiscutable – bref, une balle magique qui abattrait n’importe quel sceptique. (Il était impliqué dans un débat sur Internet avec un sceptique, et cherchait des munitions.)

Malheureusement, une telle expérience n’existe pas – non pas parce que la preuve du psi est faible (elle est plus robuste qu’on ne le pense), mais parce qu’il est simplement impossible de concevoir un seul résultat isolé, issu d’une expérimentation ou d’une observation, qui ne puisse pas être interrogé et mis en doute. C’est vrai pour la science mainstream comme ce l’est pour la parapsychologie.

A lui seul, un résultat est au moins potentiellement accessible à la discussion, et ce dans n’importe quel champ. En pratique, la plupart des résultats dans la science mainstream ne sont pas discutés, parce qu’ils se conforment aux résultats qui ont déjà été acceptés et avec le paradigme en place. Mais les résultats qui sont considérés comme inhabituels sont souvent discutés. Et cela inclut à coup sûr toutes les données issues de l’expérimentation ou de l’observation qui appuient l’hypothèse de l’existence du psi.

Voici une liste non-exhaustive de critiques sceptiques d’expériences parapsychologiques ayant donné des résultats positifs :

L’expérimentateur a menti.
L’expérimentateur était ivre.
L’expérimentateur était fou.
L’expérimentateur hallucinait.
L’expérimentateur a été trompé par une ruse spécifique (qui n’a pas été démontrée).
L’expérimentateur a été trompé par une ruse inconnue qui sera déterminée dans le futur.
Le protocole expérimental était biaisé d’une façon spécifique (qui n’a pas été démontrée).
Le protocole expérimental était biaisé d’une façon inconnue qui sera déterminée dans le futur.
L’équipement a mal fonctionné.
Les photos (ou vidéos, etc.) ont été truquées.
Les témoins étaient de mèche avec l’expérimentateur.
L’expérimentateur était de mèche avec le sujet testé.
Les résultats n’étaient qu’une coïncidence absurde.

Il n’y a clairement aucune manière pour qu’une expérience ne prête pas le flan à toutes ces possibles objections. Comme Criswell l’a dit dans Plan Nine from Outer Space : « Pouvez-vous prouver que ce n’est pas arrivé ? »

Certaines de ces objections semblent trop tirées par les cheveux pour avoir été défendues même par le plus résolu des sceptiques. Mais je les ai toutes rencontrées. Par exemple, la n°2 (« l’expérimentateur était ivre ») a été énoncée ou impliquée dans la critique des recherches de Jule Eisenbud avec Ted Serios. (En réalité, c’était Serios qui était ivre ; Eisenbud et ses collègues ne buvaient pas d’alcool durant les tests.)

Et pour la n°3, « l’expérimentateur était fou » ? Cela a aussi été dit au sujet de Jule Eisenbud pour la même affaire. James Randi, dans son livre Flim-Flam, a conclu sa discussion des recherches avec Serios de cette manière :

Dr. Borje Lofgren … avait raison lorsqu’il décrivait les tenants de la parapsychologie comme des « esprits décadents » avec des « défauts dans la pensée et des perturbations dans la relation à la réalité » … Dr. Eisenbud en est un parfait exemple.

Un autre expérimentateur diagnostiqué comme fou par ses critiques fut W.J. Crawford, qui prit de nombreuses photos de « leviers ectoplasmiques » s’extrayant du corps de la médium Kathleen Goligher qu’il étudia durant des années. Le Dictionnaire Sceptique nous informe que :

L’histoire de Goligher fut racontée par William Jackson Crawford, un bien étrange enquêteur du paranormal – qu’Houdini pensait fou – avec une obsession pour les sous-vêtements.

Je devrais peut-être rajouter dans cette liste l’objection n°14 : « L’expérimentateur a une obsession pour les sous-vêtements. »

L’objection n°4, « l’expérimentateur hallucinait », se retrouve dans les critiques sceptiques de la médiumnité physique. Frank Podmore utilisa cet argument par rapport aux séances avec D.D. Home, même lorsque les phénomènes produits par Home étaient observés en pleine lumière par de nombreuses personnes et étaient soigneusement mesurés par William Crookes, tandis qu’un de ses collègues observait la séance. Plus récemment, Trevor H. Hall a repris cet argument.

L’objection n°5, « l’expérimentateur a été trompé par une ruse spécifique (qui n’a pas été démontrée) », est abondamment employé par C.E.M. Hansel dans son livre ESP : A Scientific Evaluation. Hansel décrivit toutes sortes de trucages imaginaires au moyen desquels les sujets dans le laboratoire de J.B. Rhine auraient pu frauder à la barbe des expérimentateurs. Mais aucune preuve n’était jamais donnée de l’existence réelle de tels trucages.

Un échange entre J.G. Pratt (un collègue de Rhine qui conduisit une célèbre expérience [d’ESP sur un jeu de cartes se trouvant dans une autre pièce] dont il était question) et le sceptique Martin Gardner illustre ce point. Pratt se plaignait :

[Gardner] accepte sans la questionner l’affirmation d’Hansel selon laquelle Hubert [Pearce] aurait pu voir frauduleusement les cartes en se cachant dans une pièce près du couloir de la salle de l’expérience dans les séries Pearce-Pratt. Hansel montra un plan des lieux dont il admettait qu’il n’était « pas à l’échelle ». Mais comment le lecteur peut-il savoir que, dans son plan, les positions des fenêtres avaient été changées, et que le vrai plan des lieux montrait que la fraude supposée était impossible ?

Gardner répondit :

En effet, éliminer toutes les possibilités de fraude dans la pièce était si essentiel dans l’expérience de Pratt avec Pearce que l’incapacité de Pratt à publier le plan des lieux en même temps que ses premiers résultats jeta un sérieux doute sur son compte rendu. Toutefois, le plan exact des lieux nous permet maintenant d’affirmer, avec amusement, que ce doute n’était pas pertinent. Cependant, même s’il était impossible pour Pearce de se tenir dans le couloir, dans un autre bureau, pour voir ce qui se passait dans la salle de Pratt, rien dans le protocole expérimental si maladroit de Pratt n’empêchait Pearce ou un collaborateur de se tenir sur une chaise dans le couloir pour observer frauduleusement Pratt directement à travers la fenêtre.

Bien sûr, rien dans les arguments maladroits de Gardner et de Hansel ne vient étayer la fraude de Pearce « ou d’un collaborateur » se tenant debout sur une chaise dans le couloir et scrutant à travers la fenêtre. Et étant donné le risque évident d’être pris sur le fait, pourquoi Pearce « ou un collaborateur » aurait-il fait une chose aussi farfelue ? Existe-t-il une seule preuve que Pearce « ou un collaborateur » ait eu la motivation ou l’opportunité de fausser les résultats de ces tests ?

 

Plan pour l’expérience Pearce-Pratt

Il faut remarquer que la véritable objection d’Hansel à ces tests, celle que Gardner citait auparavant avec toute son approbation, est désormais reconnue comme étant sérieusement erronée. Mais peu importe – quoique non pertinente, elle était « amusante ». Puis une autre objection ad hoc peut instantanément être invoquée pour remplacer celle qui a échouée. Il suffit de dire qu’une ou plusieurs personnes inconnues ont utilisé une méthode différente pour espionner les cartes tirées par Pratt. La personne ne fut jamais prise la main dans le sac, et ne se confessa jamais ; nous ne connaissons même pas son identité, puisqu’il peut s’agir d’un « collaborateur » dont le nom n’est pas donné.

Essayez donc de répondre à cette objection, Dr Pratt ! Pouvez-vous prouver que ce n’est pas arrivé ?

Puis il y a l’objection n°7 : « Le protocole expérimental était biaisé d’une façon spécifique (qui n’a pas été démontrée). » Là nous allons trop loin. Assurément aucun sceptique, quel que soit la situation, ne s’aventurerait à commettre un tel verbiage totalement vide en guise d’argument sérieux. N’est-ce pas ?

Faux. Ainsi que Zetetic Chick l’a fait remarqué dans le même fil de commentaires mentionné plus tôt, cet « argument » a véritablement été utilisé par le célèbre sceptique Ray Hyman dans un article sérieux et approfondi sur les expérimentations Ganzfeld. Hyman a écrit :

Les expériences du SAIC sont bien conçues et les chercheurs ont fait des efforts pour éliminer les faiblesses connues de la recherche parapsychologique antérieure. De plus, je ne peux fournir de candidats optimales parmi les biais capables d’expliquer les résultats, s’il y en a. Et pourtant, il est également impossible en principe de dire qu’une expérience en particulier ou qu’une série expérimentale est complètement dénuée de tous les biais possibles. Un expérimentateur ne peut pas maîtriser toutes les possibilités – en particulier les biais potentiels qui n’ont pas encore été découverts.

Ainsi que vous le constatez, n’importe quel résultat expérimental peut être discuté, molesté et mis en doute, même si le doute employé n’est rien d’autre qu’une objection formulée d’un geste de la main, prétextant qu’une erreur non spécifiée et présentement inconnaissable pourrait avoir été faite. Accrochez-vous pour réfuter une telle affirmation. Vous n’avez qu’à prouver qu’une erreur inconnue n’a pas eu lieu.

Il n’y a donc pas de balle magique…

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