S’il y a une revue représentative d’un dialogue possible entre parapsychologues et sceptiques, c’est bien le Zetetic Scholar. Cette revue, à la durée de vie trop brève (1978-1987, 13 numéros), regroupait des articles des plus grands scientifiques de l’époque qui s’intéressaient aux anomalies, sans qu’ils aient à se prévaloir d’un camp ou d’un autre.
Plusieurs articles permettent de retracer un débat fondamental sur l’abord scientifique des anomalies : Comment la science peut-elle s’abstraire des préjugés du sens commun ? Comment aborder des questions si importantes pour – et si influencées par – notre culture ? Une grande partie de la revue, notamment via les recensions de livres ou les bibliographies commentées (outils essentiels des chercheurs, et malheureusement trop rares), s’occupait de matériaux concrets. Quelles valeurs ont les données de la parapsychologie, de l’ufologie, de la cryptozoologie, etc. ? Que penser de telle ou telle controverse dont les médias et les fanatiques donnent des échos confus ?
Le grand pari de Marcello Truzzi, éditeur de la revue et professeur de sociologie à l’Université du Michigan, était qu’on pouvait réunir en un même lieu des personnes d’opinions différentes et qu’elles seraient capables de discuter correctement ensemble, cela menant à des avancées dans le débat sur les anomalies. Écouter ce que les uns et les autres ont à dire, donner la parole à tout le monde en respectant les droits de réponse, voilà ce qui avait fortement déplu au groupe très partial du CSICOP qui avait refusé le projet de Truzzi, pourtant co-fondateur de cette organisation sceptique. Cet aspect est pourtant central pour la zététique promue par Truzzi pour contrer les abus des dits sceptiques. Il s’agit du principe de symétrie impliquant que le même examen critique soit fait pour toutes les assertions, qu’elles viennent d’un camp de « tenants » ou de « sceptiques ».
Truzzi réalisa donc ce projet de façon indépendante grâce au Center for Scientific Anomalies Research. Mais il suffit de regarder la liste du comité éditorial pour se rendre compte que son entreprise fut un succès : Ray Hyman, Pat Truzzi, Ron Westrum, James E. Alcock, Theodore X. Barber, Milbourne Christopher, Harry Collins, William R. Corliss, Richard De Mille, Persi Diaconis, Martin Ebon, Robert Galbreath, Michel Gauquelin, C.E.M. Hansel, Bernard Heuvelmans, Ellic Howe, J. Allen Hynek, David M. Jacobs, Joseph G. Jorgensen, Seymour Mauskopf, Edward J. Moody, Robert L. Morris, William Nagler, Charles T. Tart, Roy Wallis. Cela représenterait une véritable plateforme d’échanges académiques entre chercheurs de tout bord. En plus de ce comité éditorial, on retrouvait parmi les contributeurs de la revue des parapsychologues comme John Beloff, Robert Jahn, Stanley Krippner, et Walter von Lucadou, des sceptiques comme Blackmore, Hoebens, Randi ou encore des épistémologues comme Paul Feyerabend et Trevor J. Pinch.
Beaucoup des articles du Zetetic Scholar n’ont pas perdu une ride. Et, par chance, tous les numéros sont désormais accessibles en ligne ! En mettant le nez dans cette revue, on trouve des dizaines de réflexions stimulantes, de débats souvent plus poussés que ceux qui ont lieu aujourd’hui sur Internet, et accessoirement de nombreuses références bibliographiques pour aller plus loin. Nous conseillons donc fortement la lecture (voire la traduction, pour les plus courageux) des articles du Zetetic Scholar.